La Cour des comptes conseille également d'encourager les préfets "dans l'élaboration d'une jurisprudence fondée sur le caractère irréversible de l'artificialisation des sols".

Publié le par les crocos du cabardes

Artificialisation des sols : des objectifs et une gouvernance à revoir

 

 

 

Des objectifs peu clairs, des outils existants mais peu utilisés, une gouvernance inadaptée… La Cour des comptes dresse, dans un référé, un bilan sans concession de la politique de lutte contre l'artificialisation des sols.

Tous les dix ans, un département français disparaît sous le béton, a-t-on coutume de rappeler, pour marquer les esprits quant au phénomène d'artificialisation des sols et de disparition progressive des terres agricoles. Or, d'importantes marges de progrès existent en matière de gestion économe des sols, note la Cour des comptes dans un référé sur les conflits d'usage des sols agricoles, publié le 16 octobre. Malgré la volonté gouvernementale affichée depuis des années, les Sages regrettent que les outils disponibles ne soient pas utilisés à bon escient... mais aussi le manque de cohérence des différents objectifs fixés par les gouvernements successifs.

Ainsi, la cible affichée dans la stratégie nationale de la biodiversité était de maintenir l'artificialisation des sols à son niveau de 2006. Un objectif jugé irréaliste par les Sages. Ensuite, la loi de modernisation agricole (LMA) de 2010 prévoit une réduction de 50% de la consommation des terres agricoles d'ici 2020, un objectif largement repris par les collectivités territoriales. Mais plus récemment, la feuille de route pour la transition écologique, publiée à l'issue de la première conférence environnementale en 2012, indiquait vouloir freiner l'artificialisation des sols pour atteindre la stabilité à l'horizon 2025. Au niveau européen, l'objectif est l'arrêt du phénomène en 2050…

Une gouvernance peu adaptée

Les compétences en matière d'urbanisme sont locales, elles relèvent de l'échelle communale. Or, cette décentralisation des compétences "a conduit à une urbanisation croissante qui a privilégié l'habitat individuel et le développement des zones d'activités, particulièrement consommateurs d'espaces".

De nombreux outils existent pour mettre en musique l'aménagement du territoire (schémas régionaux d'aménagement et de développement durables du territoire - SRADDT, directives régionales d'aménagement - DRA, périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains – PAEN et plus récemment le schéma régional de cohérence écologique -SRCE). Mais la non-opposabilité de ces schémas ou plans aux documents d'urbanisme limite leur développement… et leur portée.

Résultat : "Il y autant de politiques d'urbanisme que de communes, trop souvent sans moyens techniques suffisants, et la proximité entre les élus et les électeurs, vendeurs de terres agricoles, peut influer sur la politique d'urbanisme".

 

 

La Cour des comptes conseille également d'encourager les préfets "dans l'élaboration d'une jurisprudence fondée sur le caractère irréversible de l'artificialisation des sols".

Mieux mesurer l'artificialisation

La loi de modernisation de l'agriculture prévoyait plusieurs dispositifs adaptés à la lutte contre l'artificialisation des sols, mais peu ou pas utilisés aujourd'hui.

Tout d'abord, l'observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA). Mais celui-ci a tardé à être installé. Pourtant, une évaluation du phénomène d'artificialisation des sols est primordiale, note la Cour des comptes qui préconise d'urgence "une analyse rigoureuse de la pertinence des données actuellement disponibles". Pour davantage d'efficacité, le champ de l'observatoire doit être élargi à la consommation des espaces naturels et forestiers.

Mais, précisent les Sages, l'artificialisation ne doit pas seulement s'apprécier uniquement en termes de surfaces, la qualité agronomique des sols doit être intégrée dans les documents d'urbanisme.

De même, la LMA a créé les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles (CDCEA), des outils adaptés selon la Cour des comptes, mais assez peu pris en compte par les élus. Elle recommande donc de "renforcer leur pouvoir et d'élargir leur compétence aux espaces naturels et aux forêts".

Remettre à plat la fiscalité

De même, la fiscalité française est contradictoire, estime la Cour des comptes. Les plus-values dégagées par la vente de terres agricoles devenues constructibles peuvent être considérables, soulignent les Sages, en particulier dans les zones littorales ou déjà fortement urbanisées. Si la taxe "1605 nonies du CGI" aide à lutter contre l'artificialisation des sols en alimentant un fonds d'aides aux jeunes agriculteurs (10 M€ rapportés), la taxe "1529 du CGI" soutient des dépenses d'équipement de collectivités locales. "Cette double taxation juxtapose des objectifs quelque peu contradictoires", note la Cour des comptes. Elle recommande une "remise à plat de ce double dispositif, en ne retenant que l'objectif de lutte contre l'artificialisation". Le Comité pour la fiscalité écologique, dans un avis rendu en mars dernier, avait lui aussi fait des préconisations sur cette question de fiscalité et de lutte contre l'artificialisation des sols.

Sophie Fabrégat

Des objectifs peu clairs, des outils existants mais peu utilisés, une gouvernance inadaptée… La Cour des comptes dresse, dans un référé, un bilan sans concession de la politique de lutte contre l'artificialisation des sols.

Tous les dix ans, un département français disparaît sous le béton, a-t-on coutume de rappeler, pour marquer les esprits quant au phénomène d'artificialisation des sols et de disparition progressive des terres agricoles. Or, d'importantes marges de progrès existent en matière de gestion économe des sols, note la Cour des comptes dans un référé sur les conflits d'usage des sols agricoles, publié le 16 octobre. Malgré la volonté gouvernementale affichée depuis des années, les Sages regrettent que les outils disponibles ne soient pas utilisés à bon escient... mais aussi le manque de cohérence des différents objectifs fixés par les gouvernements successifs.

Ainsi, la cible affichée dans la stratégie nationale de la biodiversité était de maintenir l'artificialisation des sols à son niveau de 2006. Un objectif jugé irréaliste par les Sages. Ensuite, la loi de modernisation agricole (LMA) de 2010 prévoit une réduction de 50% de la consommation des terres agricoles d'ici 2020, un objectif largement repris par les collectivités territoriales. Mais plus récemment, la feuille de route pour la transition écologique, publiée à l'issue de la première conférence environnementale en 2012, indiquait vouloir freiner l'artificialisation des sols pour atteindre la stabilité à l'horizon 2025. Au niveau européen, l'objectif est l'arrêt du phénomène en 2050…

Une gouvernance peu adaptée

Les compétences en matière d'urbanisme sont locales, elles relèvent de l'échelle communale. Or, cette décentralisation des compétences "a conduit à une urbanisation croissante qui a privilégié l'habitat individuel et le développement des zones d'activités, particulièrement consommateurs d'espaces".

De nombreux outils existent pour mettre en musique l'aménagement du territoire (schémas régionaux d'aménagement et de développement durables du territoire - SRADDT, directives régionales d'aménagement - DRA, périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains – PAEN et plus récemment le schéma régional de cohérence écologique -SRCE). Mais la non-opposabilité de ces schémas ou plans aux documents d'urbanisme limite leur développement… et leur portée.

Résultat : "Il y autant de politiques d'urbanisme que de communes, trop souvent sans moyens techniques suffisants, et la proximité entre les élus et les électeurs, vendeurs de terres agricoles, peut influer sur la politique d'urbanisme".

 

 

La Cour des comptes conseille également d'encourager les préfets "dans l'élaboration d'une jurisprudence fondée sur le caractère irréversible de l'artificialisation des sols".

Mieux mesurer l'artificialisation

La loi de modernisation de l'agriculture prévoyait plusieurs dispositifs adaptés à la lutte contre l'artificialisation des sols, mais peu ou pas utilisés aujourd'hui.

Tout d'abord, l'observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA). Mais celui-ci a tardé à être installé. Pourtant, une évaluation du phénomène d'artificialisation des sols est primordiale, note la Cour des comptes qui préconise d'urgence "une analyse rigoureuse de la pertinence des données actuellement disponibles". Pour davantage d'efficacité, le champ de l'observatoire doit être élargi à la consommation des espaces naturels et forestiers.

Mais, précisent les Sages, l'artificialisation ne doit pas seulement s'apprécier uniquement en termes de surfaces, la qualité agronomique des sols doit être intégrée dans les documents d'urbanisme.

De même, la LMA a créé les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles (CDCEA), des outils adaptés selon la Cour des comptes, mais assez peu pris en compte par les élus. Elle recommande donc de "renforcer leur pouvoir et d'élargir leur compétence aux espaces naturels et aux forêts".

Remettre à plat la fiscalité

De même, la fiscalité française est contradictoire, estime la Cour des comptes. Les plus-values dégagées par la vente de terres agricoles devenues constructibles peuvent être considérables, soulignent les Sages, en particulier dans les zones littorales ou déjà fortement urbanisées. Si la taxe "1605 nonies du CGI" aide à lutter contre l'artificialisation des sols en alimentant un fonds d'aides aux jeunes agriculteurs (10 M€ rapportés), la taxe "1529 du CGI" soutient des dépenses d'équipement de collectivités locales. "Cette double taxation juxtapose des objectifs quelque peu contradictoires", note la Cour des comptes. Elle recommande une "remise à plat de ce double dispositif, en ne retenant que l'objectif de lutte contre l'artificialisation". Le Comité pour la fiscalité écologique, dans un avis rendu en mars dernier, avait lui aussi fait des préconisations sur cette question de fiscalité et de lutte contre l'artificialisation des sols.

Sophie Fabrégat